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Cette note propose une présentation alternative du modèle de Solow. La présentation est plus générale que celle vue en cours. Par exemple, la forme de la fonction de production de production n'est pas postulée (en cours nous avons, pour l'essentiel, travaillé avec une fonction de production Cobb-Douglas). Dans ce cadre plus général nous établissons l'existence et la stabilité globale de l'état stationnaire, et étudions la dynamique de la vitesse d'ajustement vers l'état stationnaire.

La fonction de production

Nous savons déjà que les propriétés du modèle de Solow découle pour l'essentiel des propriétés de la fonction de production. Nous commençons donc par décrire de façon générale la technologie de production. Celle-ci détermine la quantité produite de bien homogène à partir des quantités de capital physique et de travail. On suppose qu'il existe une fonction continue $F$ de $\mathbb R_+^2$ dans $\mathbb R_+$ de classe $\mathcal C^2$ :

\[ Y = F(K, L) \]

où $Y$, $K$ et $L$ sont respectivement les quantités de bien, de capital physique et de travail.

On suppose que $F$ est une fonction de production de type néoclassique, c'est-à-dire qu'elle vérifie les propriétés suivantes[fn:1: On reprend la définiton donnée dans Barro et Sala-i-Martin] :

\\

(N1) La fonction $F$ est homogène de degré 1.

(N2) Les dérivées partielles $\frac{\partial F}{\partial K}$ et $\frac{\partial F}{\partial L}$ sont positives.

(N3) Les dérivées secondes $\frac{\partial^2 F}{\partial K^2}$ et $\frac{\partial^2 F}{\partial L^2}$ sont négatives.

(N4) Les conditions d'Inada : $\lim_{K\rightarrow 0}\frac{\partial F}{\partial K}=\lim_{L\rightarrow 0}\frac{\partial F}{\partial L}=\infty$ et $\lim_{K\rightarrow\infty}\frac{\partial F}{\partial K}=\lim_{L\rightarrow\infty}\frac{\partial F}{\partial L}=0$.

\\

L'homogénéité de degré 1 de la fonction de production formalise l'hypothèse de rendement d'échelle constant. La fonction $F$ est homogène de degré 1 si et seulement si pour tout $\lambda>0$ on a :

\[ F(\lambda K, \lambda L) = \lambda F(K, L) \]

Si les quantités de facteurs de production sont multipliées par deux alors la production doit être multipliée par exactement deux. On verra plus bas que cette propriété est indispensable pour réécrire la technologie sous une forme intensive (c'est-à-dire pour exprimer la production par tête en fonction du stock de capital physique par tête) et qu'elle a des conséquences sur les productivités marginales et le profit des firmes.

La condition sur les dérivées partielles, c'est-à-dire sur les productivités marginales, nous dit que toutes choses égales par ailleurs si la quantité d'un facteur augmente alors la production doit augmenter.

La condition sur les dérivées secondes nous dit que les productivités marginales sont décroissantes. Toutes choses égales par ailleurs, quand la quantité de capital physique augmente la productivité marginale du capital diminue.

Enfin les conditions d'Inada posent des restrictions aux bords sur les productivités marginales. On verra plus loin qu'elles sont essentielles pour assurer l'existence d'un état stationnaire non trivial (c'est-à-dire positif) dans le modèle de Solow.

Si une fonction de production $F$ vérifie les conditions (N1)-(N4) alors on peut déduire les propriétés suivantes.

Les facteurs de production sont essentiels dans le sens où $F(0,L)=F(K,0)=0$ pour tout $(K,L)\in\mathbb R_+^2$.

Cette propriété nous dit qu'il n'est pas possible de produire en l'absence d'un des deux facteurs de production. La fonction de production doit donc « passer » par l'origine.

Montrons que le travail est essentiel à la production. Commençons par noter que la productivité moyenne du capital peut s'écrire comme une fonction monotone croissante de $L/K$ en exploitant l'homogénéité de degré 1 de la fonction de production (N1) :

\[ \frac{Y}{K} = \frac{F(K,L)}{K} = F\left(1,\frac{L}{K}\right) \]

Si nous parvenons à montrer que $F(1,0)$ est égal à zéro, alors nous aurons montré que le travail est essentiel à la production (en effet si on a $F(1,0)=0$ alors on a aussi $F(K,0)=0$ pour tout $K\geq 0$ par (N1)). D'après la dernière expression de la productivité moyenne du capital, nous savons que pour tout niveau de la population $L$ la productivité moyenne du capital doit tendre vers $F(1,0)$ lorsque $K$ tend vers l'infini. Par ailleurs, par la règle de L'Hôpital nous savons que le comportement asymptotique de la productivité moyenne est identique au comportement asymptotique de la productivité marginale :

\[ \lim_{K\rightarrow\infty} \frac{F(K,L)}{K} = \lim_{K\rightarrow\infty} \frac{\partial F(K,L)}{\partial K} \]

qui doit être égal à $F(1,0)$. Par les conditions d'Inada (N4), la productivité marginale tend vers 0 quand $K$ tend vers l'infini, nous avons donc $F(1,0)=0$ et donc $F(K,0)=0$ pour tout $K\geq 0$, ce qui montre que le travail est un facteur de production essentiel. On montre de la même façon que le capital physique est un facteur essentiel en s'intéressant à la productivité moyenne du travail.

Avant d'aborder les propriétés suivantes, on rappelle et montre un théorème caractérisant les propriétés des fonctions homogènes (le théorème d'Euler).

Soit $g(x,y)$ une fonction de $\mathbb R^2$ dans $\mathbb R$ différentiable et homogène de degré $k$ par rapport à $x$ et $y$. Alors on a :

\[ k g(x,y) = g_x(x,y)x+g_y(x,y)y \]

où $g_x$ et $g_y$ sont les dérivées partielles par rapport à $x$ et $y$. Ces mêmes dérivées partielles sont homogènes de degré $k-1$ par rapport à $x$ et $y$.

Puisque la fonction est homogène ce degré $k$ nous avons :

\[ g(\lambda x, \lambda y) = \lambda^k g(x,y) \]

pour tout $\lambda$. En dérivant par rapport à $\lambda$, il vient :

\[ g_x(\lambda x, \lambda y)x + g_y(\lambda x,\lambda y)y = k \lambda^{k-1} g(x,y) \]

En particulier, pour $\lambda=1$ nous avons donc :

\[ k g(x,y) = g_x(x,y)x+g_y(x,y)y \]

Pour montrer que la dérivée partielle $g_x$ est homogène de degré $k-1$ on dérive la première équation par rapport à $x$ (plutôt que $\lambda$) :

\[ g_x(\lambda x, \lambda y) \lambda = \lambda^k g_x(x,y) \]

\[ \Leftrightarrow g_x(\lambda x, \lambda y) = \lambda^{k-1} g_x(x,y) \]

On montre de la même façon que la dérivée partielle $g_y$ est homogène de degré $k-1$ (en dérivant par rapport à $y$).

La matrice hessienne de $F$ est semi-définie négative pour tout $(K,L)\in\mathbb R_+^2$. En notant $\mathcal H_F(K,L)$ la matrice des dérivées secondes, le déterminant et la trace de la matrice hessienne vérifient $|\mathcal H_F(K,L)|=0$ et $\mathrm{tr}\bigl(\mathcal H_F(K,L)\bigr)<0$ pour tout $(K,L)\in\mathbb R_+^2$.

La matrice hessienne est :

\begin{equation*} \mathcal H_F(K,L) = \begin{pmatrix} \frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K^2} & \frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K\partial L}\\ \frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial L\partial K} & \frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial L^2} \end{pmatrix} \end{equation*} puisque $F\in\mathcal C^2$ cette matrice est symétrique (par le théorème de Young) le déterminant est donné par :

\begin{equation*}

\mathcal H_F(K,L) = \frac{∂^2 F(K,L)}{∂ K^2}\frac{∂^2 F(K,L)}{∂ L^2}-≤ft(\frac{∂^2 F(K,L)}{∂ K∂ L}\right)^2

\end{equation*} Sachant que $F$ est homogène de degré 1, par le théorème 1, nous avons :

\[ F(K,L) = \frac{\partial F(K,L)}{\partial K} K + \frac{\partial F(K,L)}{\partial L} L \] En dérivant par rapport à $K$ ou $L$ il vient :

\begin{cases} \frac{\partial F(K,L)}{\partial K} &= \frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K^2}K+\frac{\partial F(K,L)}{\partial K}+\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial L\partial K} L \\ \frac{\partial F(K,L)}{\partial L} &= \frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial L^2}L+\frac{\partial F(K,L)}{\partial L}+\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K\partial L} K \end{cases}

soit de façon équivalente (en tenant compte de l'égalité des dérivées secondes croisées) :

\begin{cases} \frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K^2} &= -\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K\partial L} \frac{L}{K} \\ \frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial L^2} &= -\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K\partial L} \frac{K}{L} \end{cases}

En passant, on note que la dérivée seconde croisée doit être positive (puisque les productivités marginales sont décroissantes). Ainsi quand la quantité de travail (capital) augmente, la productivité marginale du capital (travail) augmente. En substituant dans l'expression du déterminant on obtient :

\begin{equation*}

\mathcal H_F(K,L) = ≤ft(-\frac{∂^2 F(K,L)}{∂ K∂ L} \frac{L}{K} \right)≤ft(-\frac{∂^2 F(K,L)}{∂ K∂ L} \frac{K}{L}\right)-≤ft(\frac{∂^2 F(K,L)}{∂ K∂ L}\right)^2 = 0

\end{equation*}

La trace de la matrice hessienne est la somme des éléments sur la diagonale. La trace est négative puisque les productivités marginales sont décroissantes par (N3). La matrice hessienne possède donc une valeur propre nulle et une valeur propre négative.

Si $F$ est une fonction de production néoclassique elle doit être concave et donc quasi-concave. Cette propriété est utile pour caractériser le comportement optimal des firmes (voir plus bas).

Les productivités marginales ne dépendent que du ratio $k=K/L$.

Par le théorème 1, puisque la fonction de production est homogène de degré un, nous savons que les productivités marginales sont homogènes de degré zéro. Ainsi nous avons :

\begin{cases} F_K(K,L) &= F_K\left(\frac{K}{L}, 1\right)\\ F_L(K,L) &= F_L\left(\frac{K}{L}, 1\right) \end{cases}

où $F_K$ et $F_L$ sont les dérivées partielles par rapport à $K$ et $L$.

Le taux marginal de substitution entre les facteurs est une fonction décroissante de $k$.

Le taux marginal de substitution (technique) est défini, en valeur absolue, comme le rapport des productivités marginales (qui ne dépendent que de $k$) :

\[ \textrm{TMS}(k) = \frac{F_K(k,1)}{F_L(k,1)} \]

au signe près, il s'agit de la pente en $(K,L)$ d'un isoquant. Sa dérivée est :

\[ \frac{\mathrm d \textrm{TMS}(k)}{\mathrm d k} = \frac{F_{KK}F_L-F_{KL}F_K}{F_L^2}=\frac{F_{KK}F_L+F_{KK}kF_K}{F_L^2}<0 \]

car les dérivées secondes sont négatives par (N3).

Les élasticités par rapport aux facteurs de production sont positives et somment à un.

Notons $\varepsilon_{Y/K}$ et $\varepsilon_{Y/L}$ les élasticités de $Y$ par rapport à $K$ et $L$. Par définition, nous avons :

\[ \varepsilon_{Y/K} = \frac{\frac{\partial Y}{\partial K}}{\frac{Y}{K}}\quad\text{et}\quad \varepsilon_{Y/L} = \frac{\frac{\partial Y}{\partial L}}{\frac{Y}{L}} \]

L'élasticité se lit comme le rapport d'une productivité marginale et productivité moyenne. Clairement ces quantités doivent être positives, par (N2). Par le théorème 1, nous avons :

\[ Y = \frac{\partial Y}{\partial K} K + \frac{\partial Y}{\partial L} L \]

en divisant les deux membres par $Y$, on obtient :

\[ 1 = \varepsilon_{Y/K} +\varepsilon_{Y/L} \]

Dans une économie parfaitement concurrentielle, où les facteurs de production sont rémunérés aux productivités marginales, les firmes réalisent un profit nul.

Notons $R$ et $w$ les rémunérations réelles (c'est-à-dire en terme de bien homogène produit dans l'économie), le profit est défini par :

\[ \Pi = Y - R K - w L \]

En exprimant la production en fonction des productivités marginales, par le théorème 1, et sachant que mes rémunérations $R$ et $w$ sont respectivement égales à $\frac{\partial Y}{\partial K}$ et $\frac{\partial Y}{\partial L}$, on obtient bien la nullité du profit.

On peut écrire la technologie sous une forme intensive, c'est-à-dire en exprimant la production par tête $y=Y/L$ comme une fonction du stock de capital physique par tête, $k = K/L$.

Puisque la fonction de production $F$ est homogène de degré 1, nous avons :

\[ \lambda Y = F(\lambda K, \lambda L) \]

pour tout $\lambda\geq 0$. En particulier, pour $\lambda = L^{-1}$ nous avons :

\[ y = F(k, 1) \]

Par la suite on posera $f(k) = F(k,1)$ la fonction de production intensive.

La fonction de production intensive, $f(k)$, hérite des propriétés de la fonction de production $F(K,L)$. On a :

  1. $f(0) = 0$,
  2. $f'(k)\geq 0$,
  3. $f''(k)\leq 0$,
  4. $\lim_{k\rightarrow 0}f'(k)=\infty$ et $\lim_{k\rightarrow \infty}f'(k)=0$,
  5. $F_(K,L) = f'(k)$, et
  6. $F_L(K,L) = f(k)-f'(k)k$.

(1) Par définition de la technologie intensive, nous avons $f(0)=F(0,1)$, nous avons donc directement par la propriété 1 $f(0)=0$. (2)-(5) Par construction de la technologie intensive nous avons directement $f'(k)=F_K(K,L)$ ou encore $f'(k)=F_K(k,1)$ puisque la productivité marginale est homogène de degré zéro. On déduit directment la positivité de $f'(k)$ et sa décroissance, c'est-à-dire $f''(k)\leq 0$. On déduit tout aussi directement les conditions d'Inada sur $f$ à partir des conditions d'Inada sur $F$ (pour la productivité marginale du capital). (6) On utilise à nouveau le théorème 1 selon lequel :

\[ Y = F_K(K,L)K + F_L(K,L)L \]

en divisant les deux membres par $L$ :

\[ y = F_K(K,L)k + F_L(K,L) \]

ou encore :

\[ y = F_K(k,1)k + F_L(K,L) \]

puisque la productivité marginale du capital ne dépend que de $k$ (propriété 3), et donc :

\[ f(k) = f'(k)k + F_L(K,L) \]

\[ F_L(K,L) = f(k) -f'(k)k \]

Avant de passer aux sections suivantes où nous décrirons les comportements des ménages et des firmes, puis l'équilibre dans le modèle de Solow, nous discutons deux quantités qui permettront de caractériser la technologie de production : l'élasticité de la production par rapport au capital, que nous avons déjà rencontré, et l'élasticité de substitution entre les facteurs.

L'élasticité de la production par rapport au capital est définie comme le rapport de la productivité marginale du capital à la productivité moyenne du capital. Nous savons que la productivité marginale ne dépend que du stock de capital par tête (propriété 3). La productivité moyenne du capital ne dépend aussi que du stock de capital par tête, en effet puisque la fonction $F$ est homogène de degré un nous avons $\frac{Y}{K} = F(1,k^{-1})$. Ainsi, l'élasticité de la production par rapport au capital physique est une fonction du stock de capital par tête. Par analogie avec la notation habituelle dans le cas de la fonction de production Cobb-Douglas, on notera $\alpha(k)$ cette élasticité et on a :

\[ \alpha(k) =  \frac{f'(k)k}{f(k)} \]

L'élasticité de substitution entre les facteurs caractérise la courbure de la fonction de production. Il s'agit, le long d'un isoquant, du rapport du taux de croissance du ratio travail/capital et du taux de croissance du ratio des productivités marginales (c'est-à-dire du taux marginal de substitution). Puisque les productivités marginales ne dépendent que de $k$, cette élasticité dépend exclusivement de $k$. On notera :

\[ \sigma(k) = \frac{\frac{\mathrm d \frac{L}{K}}{\frac{L}{K}}}{\frac{\mathrm d\frac{F_K}{F_L}}{\frac{F_K}{F_L}}} \]

en omettant, afin d'alléger les notations, la dépendance à $K$ et $L$ des productivités marginales (dérivées partielles) $F_K$ et $F_L$. On cherche maintenant à obtenir une expression plus explicite et opérationnelle de cette élasticité. À cette fin, nous allons exprimer $\mathrm d \frac{F_K}{F_L}$ en fonction des dérivées partielles (d'ordre 1 et 2) de la fonction $F$. En considérant la différentielle totale de $\frac{F_K}{F_L}$, il vient :

\[ \mathrm d\frac{F_K}{F_L} = \frac{\partial \frac{F_K}{F_L}}{\partial K}\mathrm d K + \frac{\partial \frac{F_K}{F_L}}{\partial L} \mathrm d L \]

où, en appliquant les règles de dérivation bien connues, on a :

\[ \frac{\partial \frac{F_K}{F_L}}{\partial K} = \frac{F_{KK}F_L-F_{KL}F_K}{F_L^2} \]

et

\[ \frac{\partial \frac{F_K}{F_L}}{\partial L} = \frac{F_{KL}F_L-F_{LL}F_K}{F_L^2} \]

Puisque le long d'un isoquant nous avons $\frac{\mathrm d L}{\mathrm d K} = -\frac{F_K}{F_L}$, nous pouvons éliminer $\mathrm d K$ dans la différentielle totale. Nous avons donc :

\begin{equation*} \begin{split} \mathrm d\frac{F_K}{F_L} &= \left(\frac{\partial \frac{F_K}{F_L}}{\partial L} - \frac{\partial \frac{F_K}{F_L}}{\partial K}\frac{F_L}{F_K} \right)\mathrm dL \\ &= \left(\frac{F_{KL}F_L-F_{LL}F_K}{F_L^2}F_K - \frac{F_{KK}F_L-F_{KL}F_K}{F_L^2} F_L \right)\frac{\mathrm dL}{F_K} \\ &= \frac{F_{KL}F_LF_K-F_{LL}F_K^2-F_{KK}F_L^2+F_{KL}F_KF_L}{F_L^2}\frac{\mathrm dL}{F_K}\\ &= \frac{2F_{KL}F_KF_L - F_{LL}F_K^2 - F_{KK}F_L^2}{F_L^2}\frac{\mathrm dL}{F_K} \end{split} \end{equation*}

Par ailleurs, la différentielle totale de $\frac{K}{L}$ est :

\[ \mathrm d \frac{L}{K} = \frac{K\mathrm d L - L\mathrm d K}{K^2} \]

en exprimant $\mathrm d K$ en fonction de $\mathrm d L$ (et des dérivées partielles) :

\[ \mathrm d \frac{L}{K} = \frac{K F_K + L F_L}{K^2}\frac{\mathrm d L}{F_K} \]

En substituant dans la définition de l'élasticité, il vient :

\begin{equation*} \begin{split} \sigma(k) &= \frac{K F_K + L F_L}{F_K K^2}\frac{F_L^2 F_K}{2F_{KL}F_KF_L - F_{LL}F_K^2 - F_{KK}F_L^2}\frac{K}{L}\frac{F_K}{F_L}\\ &= \frac{K F_K + L F_L}{KL}\frac{F_L F_K}{2F_{KL}F_KF_L - F_{LL}F_K^2 - F_{KK}F_L^2} \end{split} \end{equation*}

Puisque les productivités marginales sont positives, le signe de l'élasticité est donné par le signe de $2F_{KL}F_KF_L - F_{LL}F_K^2 - F_{KK}F_L^2$. Comme les dérivées secondes $F_{LL}$ et $F_{KK}$ sont négatives et la dérivée seconde croisée est positive (voir la preuve de la propriété 2), on conclut que l'élasticité de substitution entre capital et travail doit être positive. On peut simplifier l'expression de l'élasticité en notant que par le théorème d'Euler nous avons $KF_K+LF_L=Y$ et aussi :

\begin{equation*} \begin{split} \sigma(k) &= \frac{Y}{KL}\frac{F_L F_K}{2F_{KL}F_KF_L + F_{KL}\frac{K}{L}F_K^2 + F_{KL}\frac{L}{K}F_L^2}\\ &= \frac{Y F_K F_L}{F_{KL} \left(2KLF_KF_L + K^2F_K^2 + L^2F_L^2\right)}\\ &= \frac{Y F_K F_L}{F_{KL} \left(KF_K + LF_L\right)^2}\\ &= \frac{Y F_K F_L}{F_{KL} Y^2} \end{split} \end{equation*}

Nous avons donc :

\[ \sigma(k) = \frac{F_K F_L}{Y F_{KL}} \]

que nous pouvons finalement exprimer en fonction de la technologie intensive (voir la propriété 8)

\[ \sigma(k) = -\frac{f'(k)\left(f(k)-f'(k)k\right)}{k f(k) f''(k)} \]

en notant que $\frac{\partial^2 F}{\partial K^2} = \frac{\partial f'\left(\frac{K}{L}\right)}{\partial K} = \frac{1}{L}f''(k)$. Clairement, les deux élasticités sont liées, on peut écrire de façon équivalente :

\[ \sigma(k) = -\frac{f'(k)(1-\alpha(k))}{k f''(k)} \]

Comportement des ménages

L'économie est peuplée d'un continuum de ménages $m\in[0,1]$. On supposera qu'un ménage $m$ a une durée de vie infinie, on parle parfois de dynastie plutôt que de ménage. À l'instant $t$ la taille du ménage, c'est-à-dire le nombre de têtes dans le ménage, est notée $L(t,m)>0$. On suppose que la taille du ménage $m$ croît au taux constant $n>0$. Si la taille initiale du ménage $m$ est $L(0,m) = L_0(m)$, à l'instant $t$ nous avons donc $L(t,m) = e^{nt} L_0(m)$. On notera $L(t) = \int_0^1 L(t,m)\mathrm d m = e^{nt}\int_0^1 L_0(m)\mathrm d m \equiv e^{nt}L_0$ la population totale à l'instant $t$ et nous normaliserons la population initiale en posant $L_0=1$. Le paramètre $n$ s'interprète comme le taux de croissance démographique dans notre économie. À tout instant $t$, chaque ménage offre inélastiquement une unité de travail par tête sur un marché parfaitement concurrentiel et perçoit en contrepartie un salaire $w(t)$ (par unité de travail).

Par ailleurs, chaque ménage détient initialement du capital physique en quantité $K_0(m)$. Le stock de capital physique se déprécie au taux constant $\delta>0$ et obéit à la loi d'évolution suivante :

\[ \dot K(t,m) = I(t,m) - \delta K(t,m) \]

où $I(t,m)$ est l'investissement en capital physique à l'instant $t$. Cette équation différentielle nous dit simplement que le stock de capital physique augmente, $\dot K(t,m)>0$, si et seulement si l'investissement est supérieur à la dépréciation. En termes intensif, la dynamique du stock de capital physique par tête est donnée par :

\[ \dot k(t,m) = i(t,m) - (n+\delta) k(t,m) \]

Le ménage loue les services de ce capital aux firmes qui l'utiliseront pour produire le bien homogène (via la technologie de production décrite plus haut, voir la section suivante). En contrepartie de la location du capital le ménage $m$ obtient $r(t)$ par unité de capital.

Dans notre économie, il n'y a qu'un seul bien, le résultat la technologie de production décrite dans la première section, celui-ci peut être dirigé vers l'accumulation de capital (l'investissement) ou consommé. Les prix $w(t)$, pour la location de la force de travail, et $r(t)$, pour la location du capital, sont réels, c'est-à-dire exprimés en termes d'unité de bien homogène. Par exemple, si le ménage offre $L(t,m)$ unités de travail alors il perçoit $L(t,m)w(t)$ unités de bien homogène sous forme de salaire.

Enfin, nous supposons que les ménages détiennent les firmes qui produisent le bien homogène. Nous pourrions décrire comment les titres de propriété sont distribués entre les ménages et donc comment les profits sont répartis. Nous pourrions aussi considérer un marché où les ménages échangeraient ces titres de propriétés sur les firmes. Mais les profits sont nuls à chaque instant dans ce modèle où les firmes agissent dans un environnement parfaitement concurrentiel et où la technologie de production est à rendements d'échelle constant, voir la propriété 6 dans la section précédente, cette répartition est donc sans conséquences. Nous ferons abstraction des profits dans la suite.

Un ménage $m\in[0,1]$ utilise son revenu pour consommer ou investir. Sa contrainte budgétaire saturée1 s'écrit :

\[ C(t,m) + I(t,m) = w(t)L(t,m) + r(t)K(t,m) \]

ou en termes intensif :

\[ c(t,m) + i(t,m) = w(t) + r(t)k(t,m) \]


1

Dans ce modèle, le comportement du ménage est exogène.