From 9244285b7a52fbccfcd75613f3e5159f6624af93 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: =?UTF-8?q?St=C3=A9phane=20Adjemian=20=28Ry=C3=BBk=29?= Date: Fri, 25 Mar 2022 10:05:38 +0100 Subject: [PATCH] =?UTF-8?q?[WIP]=20Add=20post.=20Mod=C3=A8le=20de=20Solow.?= MIME-Version: 1.0 Content-Type: text/plain; charset=UTF-8 Content-Transfer-Encoding: 8bit Description des propriétés de la fonction de production néoclassique. --- .gitignore | 4 +- blog/modele-de-solow/index.org | 585 +++++++++++++++++++++++++++++++++ 2 files changed, 588 insertions(+), 1 deletion(-) create mode 100644 blog/modele-de-solow/index.org diff --git a/.gitignore b/.gitignore index e35d6ef..be6fa1e 100644 --- a/.gitignore +++ b/.gitignore @@ -1,5 +1,7 @@ pages/posts/ltximg/* + blog/representation-ma-du-processus-ar2/ltximg/* blog/simulation-du-modele-de-solow/ltximg/* - blog/simulation-du-modele-de-solow/img/*.svg + +blog/modele-de-solow/ltximg/* \ No newline at end of file diff --git a/blog/modele-de-solow/index.org b/blog/modele-de-solow/index.org new file mode 100644 index 0000000..9d0b311 --- /dev/null +++ b/blog/modele-de-solow/index.org @@ -0,0 +1,585 @@ +#+OPTIONS: H:3 num:nil toc:nil \n:nil @:t ::t |:t ^:nil -:t f:t *:t TeX:t LaTeX:t skip:t d:t tags:not-in-toc creator:t timestamp:nil author:nil title:nil +#+HTML_HEAD: +#+HTML_HEAD: +#+HTML_HEAD: +#+HTML_HEAD: +#+HTML_HEAD: +#+HTML_HEAD: +#+LANGUAGE: fr +#+TITLE: Modèle de Solow +#+DATE: Février 2022 +#+AUTHOR: Stéphane Adjemian +#+EMAIL: stephane.adjemian@univ-lemans.fr + +#+BEGIN_QUOTE +Cette note propose une présentation alternative du modèle de Solow. La +présentation est plus générale que celle vue en cours. Par exemple, la forme de +la fonction de production de production n'est pas postulée (en cours nous avons, +pour l'essentiel, travaillé avec une fonction de production Cobb-Douglas). Dans +ce cadre plus général nous établissons l'existence et la stabilité globale de +l'état stationnaire, et étudions la dynamique de la vitesse d'ajustement vers +l'état stationnaire. +#+END_QUOTE + +* La fonction de production + +Nous savons déjà que les propriétés du modèle de Solow découle pour l'essentiel +des propriétés de la fonction de production. Nous commençons donc par décrire +de façon générale la technologie de production. Celle-ci détermine la quantité +produite de bien homogène à partir des quantités de capital physique et de +travail. On suppose qu'il existe une fonction continue $F$ de $\mathbb R_+^2$ dans +$\mathbb R_+$ de classe $\mathcal C^2$ : + +\[ +Y = F(K, L) +\] + +où $Y$, $K$ et $L$ sont respectivement les quantités de bien, de capital +physique et de travail. + +On suppose que $F$ est une fonction de production de type néoclassique, +c'est-à-dire qu'elle vérifie les propriétés suivantes[fn:1: On reprend la +définiton donnée dans Barro et Sala-i-Martin] : + +\\ + +[[color:red][(N1)]] La fonction $F$ est homogène de degré 1. + + +[[color:red][(N2)]] Les dérivées partielles $\frac{\partial F}{\partial K}$ et $\frac{\partial F}{\partial L}$ sont positives. + + +[[color:red][(N3)]] Les dérivées secondes $\frac{\partial^2 F}{\partial K^2}$ et $\frac{\partial^2 F}{\partial L^2}$ sont négatives. + + +[[color:red][(N4)]] Les conditions d'Inada : $\lim_{K\rightarrow 0}\frac{\partial F}{\partial K}=\lim_{L\rightarrow 0}\frac{\partial F}{\partial L}=\infty$ et $\lim_{K\rightarrow\infty}\frac{\partial F}{\partial K}=\lim_{L\rightarrow\infty}\frac{\partial F}{\partial L}=0$. + +\\ + + +L'homogénéité de degré 1 de la fonction de production formalise l'hypothèse de +rendement d'échelle constant. La fonction $F$ est homogène de degré 1 si et +seulement si pour tout $\lambda>0$ on a : + +\[ +F(\lambda K, \lambda L) = \lambda F(K, L) +\] + +Si les quantités de facteurs de production sont multipliées par deux alors la +production doit être multipliée par exactement deux. On verra plus bas que cette +propriété est indispensable pour réécrire la technologie sous une forme +intensive (c'est-à-dire pour exprimer la production par tête en fonction du +stock de capital physique par tête) et qu'elle a des conséquences sur les +productivités marginales et le profit des firmes. + +La condition sur les dérivées partielles, c'est-à-dire sur les productivités +marginales, nous dit que toutes choses égales par ailleurs si la quantité d'un +facteur augmente alors la production doit augmenter. + +La condition sur les dérivées secondes nous dit que les productivités marginales +sont décroissantes. Toutes choses égales par ailleurs, quand la quantité de capital +physique augmente la productivité marginale du capital diminue. + +Enfin les conditions d'Inada posent des restrictions aux bords sur les +productivités marginales. On verra plus loin qu'elles sont essentielles pour +assurer l'existence d'un état stationnaire non trivial (c'est-à-dire positif) +dans le modèle de Solow. + +Si une fonction de production $F$ vérifie les conditions [[color:red][(N1)]]-[[color:red][(N4)]] alors on peut +déduire les propriétés suivantes. + +#+BEGIN_property +Les facteurs de production sont essentiels dans le sens où $F(0,L)=F(K,0)=0$ pour tout $(K,L)\in\mathbb R_+^2$. +#+END_property + +Cette propriété nous dit qu'il n'est pas possible de produire en l'absence d'un +des deux facteurs de production. La fonction de production doit donc « passer » +par l'origine. + +#+BEGIN_proof +Montrons que le travail est essentiel à la production. Commençons par noter que +la productivité moyenne du capital peut s'écrire comme une fonction monotone +croissante de $L/K$ en exploitant l'homogénéité de degré 1 de la fonction de +production [[color:red][(N1)]] : + +\[ \frac{Y}{K} = \frac{F(K,L)}{K} = F\left(1,\frac{L}{K}\right) \] + +Si nous parvenons à montrer que $F(1,0)$ est égal à zéro, alors nous aurons +montré que le travail est essentiel à la production (en effet si on a $F(1,0)=0$ +alors on a aussi $F(K,0)=0$ pour tout $K\geq 0$ par [[color:red][(N1)]]). D'après la dernière +expression de la productivité moyenne du capital, nous savons que pour tout +niveau de la population $L$ la productivité moyenne du capital doit tendre vers +$F(1,0)$ lorsque $K$ tend vers l'infini. Par ailleurs, par la règle de L'Hôpital +nous savons que le comportement asymptotique de la productivité moyenne est +identique au comportement asymptotique de la productivité marginale : + +\[ +\lim_{K\rightarrow\infty} \frac{F(K,L)}{K} = \lim_{K\rightarrow\infty} \frac{\partial F(K,L)}{\partial K} +\] + +qui doit être égal à $F(1,0)$. Par les conditions d'Inada [[color:red][(N4)]], la productivité +marginale tend vers 0 quand $K$ tend vers l'infini, nous avons donc $F(1,0)=0$ +et donc $F(K,0)=0$ pour tout $K\geq 0$, ce qui montre que le travail est un +facteur de production essentiel. On montre de la même façon que le capital +physique est un facteur essentiel en s'intéressant à la productivité moyenne du +travail. +#+END_proof + +Avant d'aborder les propriétés suivantes, on rappelle et montre un théorème +caractérisant les propriétés des fonctions homogènes (le théorème d'Euler). + +#+BEGIN_theorem +Soit $g(x,y)$ une fonction de $\mathbb R^2$ dans $\mathbb R$ différentiable et homogène de degré $k$ par rapport à $x$ et $y$. Alors on a : + +\[ +k g(x,y) = g_x(x,y)x+g_y(x,y)y +\] + +où $g_x$ et $g_y$ sont les dérivées partielles par rapport à $x$ et $y$. Ces +mêmes dérivées partielles sont homogènes de degré $k-1$ par rapport à $x$ et +$y$. +#+END_theorem + +#+BEGIN_proof +Puisque la fonction est homogène ce degré $k$ nous avons : + +\[ +g(\lambda x, \lambda y) = \lambda^k g(x,y) +\] + +pour tout $\lambda$. En dérivant par rapport à $\lambda$, il vient : + +\[ +g_x(\lambda x, \lambda y)x + g_y(\lambda x,\lambda y)y = k \lambda^{k-1} g(x,y) +\] + +En particulier, pour $\lambda=1$ nous avons donc : + +\[ +k g(x,y) = g_x(x,y)x+g_y(x,y)y +\] + +Pour montrer que la dérivée partielle $g_x$ est homogène de degré $k-1$ on +dérive la première équation par rapport à $x$ (plutôt que $\lambda$) : + +\[ +g_x(\lambda x, \lambda y) \lambda = \lambda^k g_x(x,y) +\] + +\[ +\Leftrightarrow g_x(\lambda x, \lambda y) = \lambda^{k-1} g_x(x,y) +\] + +On montre de la même façon que la dérivée partielle $g_y$ est homogène de degré +$k-1$ (en dérivant par rapport à $y$). +#+END_proof + +#+BEGIN_property +La matrice hessienne de $F$ est semi-définie négative pour tout $(K,L)\in\mathbb +R_+^2$. En notant $\mathcal H_F(K,L)$ la matrice des dérivées secondes, le +déterminant et la trace de la matrice hessienne vérifient $|\mathcal +H_F(K,L)|=0$ et $\mathrm{tr}\bigl(\mathcal H_F(K,L)\bigr)<0$ pour tout +$(K,L)\in\mathbb R_+^2$. +#+END_property + +#+BEGIN_proof +La matrice hessienne est : + +\begin{equation*} +\mathcal H_F(K,L) = +\begin{pmatrix} +\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K^2} & \frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K\partial L}\\ +\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial L\partial K} & \frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial L^2} +\end{pmatrix} +\end{equation*} +puisque $F\in\mathcal C^2$ cette matrice est symétrique (par le [[https://en.wikipedia.org/wiki/Symmetry_of_second_derivatives][théorème de Young]]) le déterminant est donné par : + +\begin{equation*} +|\mathcal H_F(K,L)| = \frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K^2}\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial L^2}-\left(\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K\partial L}\right)^2 +\end{equation*} +Sachant que $F$ est homogène de degré 1, par le théorème 1, nous avons : + +\[ +F(K,L) = \frac{\partial F(K,L)}{\partial K} K + \frac{\partial F(K,L)}{\partial L} L +\] +En dérivant par rapport à $K$ ou $L$ il vient : + +\begin{cases} +\frac{\partial F(K,L)}{\partial K} &= \frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K^2}K+\frac{\partial F(K,L)}{\partial K}+\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial L\partial K} L \\ +\frac{\partial F(K,L)}{\partial L} &= \frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial L^2}L+\frac{\partial F(K,L)}{\partial L}+\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K\partial L} K +\end{cases} + +soit de façon équivalente (en tenant compte de l'égalité des dérivées secondes croisées) : + +\begin{cases} +\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K^2} &= -\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K\partial L} \frac{L}{K} \\ +\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial L^2} &= -\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K\partial L} \frac{K}{L} +\end{cases} + +En passant, on note que la dérivée seconde croisée doit être positive (puisque +les productivités marginales sont décroissantes). Ainsi quand la quantité de +travail (capital) augmente, la productivité marginale du capital (travail) +augmente. En substituant dans l'expression du déterminant on obtient : + +\begin{equation*} +|\mathcal H_F(K,L)| = \left(-\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K\partial L} \frac{L}{K} \right)\left(-\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K\partial L} \frac{K}{L}\right)-\left(\frac{\partial^2 F(K,L)}{\partial K\partial L}\right)^2 = 0 +\end{equation*} + +La trace de la matrice hessienne est la somme des éléments sur la diagonale. La +trace est négative puisque les productivités marginales sont décroissantes par +[[color:red][(N3)]]. La matrice hessienne possède donc une valeur propre nulle et une valeur +propre négative. +#+END_proof + +Si $F$ est une fonction de production néoclassique elle doit être concave et +donc quasi-concave. Cette propriété est utile pour caractériser le comportement +optimal des firmes (voir plus bas). + +#+BEGIN_property +Les productivités marginales ne dépendent que du ratio $k=K/L$. +#+END_property + +#+BEGIN_proof +Par le théorème 1, puisque la fonction de production est homogène de degré un, +nous savons que les productivités marginales sont homogènes de degré zéro. Ainsi +nous avons : + +\begin{cases} +F_K(K,L) &= F_K\left(\frac{K}{L}, 1\right)\\ +F_L(K,L) &= F_L\left(\frac{K}{L}, 1\right) +\end{cases} + +où $F_K$ et $F_L$ sont les dérivées partielles par rapport à $K$ et $L$. + +#+END_proof + +#+BEGIN_property +Le taux marginal de substitution entre les facteurs est une fonction décroissante de $k$. +#+END_property + +#+BEGIN_proof +Le taux marginal de substitution (technique) est défini, en valeur absolue, comme le rapport des +productivités marginales (qui ne dépendent que de $k$) : + +\[ +\textrm{TMS}(k) = \frac{F_K(k,1)}{F_L(k,1)} +\] + +au signe près, il s'agit de la pente en $(K,L)$ d'un isoquant. Sa dérivée est : + +\[ +\frac{\mathrm d \textrm{TMS}(k)}{\mathrm d k} = \frac{F_{KK}F_L-F_{KL}F_K}{F_L^2}=\frac{F_{KK}F_L+F_{KK}kF_K}{F_L^2}<0 +\] + +car les dérivées secondes sont négatives par [[color:red][(N3)]]. +#+END_proof + +#+BEGIN_property +Les élasticités par rapport aux facteurs de production sont positives et somment à un. +#+END_property + +#+BEGIN_proof +Notons $\varepsilon_{Y/K}$ et $\varepsilon_{Y/L}$ les élasticités de $Y$ par rapport à $K$ et $L$. Par définition, nous avons : + +\[ +\varepsilon_{Y/K} = \frac{\frac{\partial Y}{\partial K}}{\frac{Y}{K}}\quad\text{et}\quad \varepsilon_{Y/L} = \frac{\frac{\partial Y}{\partial L}}{\frac{Y}{L}} +\] + +L'élasticité se lit comme le rapport d'une productivité marginale et +productivité moyenne. Clairement ces quantités doivent être positives, par [[color:red][(N2)]]. +Par le théorème 1, nous avons : + +\[ +Y = \frac{\partial Y}{\partial K} K + \frac{\partial Y}{\partial L} L +\] + +en divisant les deux membres par $Y$, on obtient : + +\[ +1 = \varepsilon_{Y/K} +\varepsilon_{Y/L} +\] +#+END_proof + +#+BEGIN_property +Dans une économie parfaitement concurrentielle, où les facteurs de production +sont rémunérés aux productivités marginales, les firmes réalisent un profit nul. +#+END_property + +#+BEGIN_proof +Notons $R$ et $w$ les rémunérations réelles (c'est-à-dire en terme de bien +homogène produit dans l'économie), le profit est défini par : + +\[ +\Pi = Y - R K - w L +\] + +En exprimant la production en fonction des productivités marginales, par le +théorème 1, et sachant que mes rémunérations $R$ et $w$ sont respectivement +égales à $\frac{\partial Y}{\partial K}$ et $\frac{\partial Y}{\partial L}$, on +obtient bien la nullité du profit. +#+END_proof + +#+BEGIN_property +On peut écrire la technologie sous une forme intensive, c'est-à-dire en +exprimant la production par tête $y=Y/L$ comme une fonction du stock de capital +physique par tête, $k = K/L$. +#+END_property + +#+BEGIN_proof +Puisque la fonction de production $F$ est homogène de degré 1, nous avons : + +\[ +\lambda Y = F(\lambda K, \lambda L) +\] + +pour tout $\lambda\geq 0$. En particulier, pour $\lambda = L^{-1}$ nous avons : + +\[ +y = F(k, 1) +\] + +Par la suite on posera $f(k) = F(k,1)$ la fonction de production intensive. +#+END_proof + +#+BEGIN_property +La fonction de production intensive, $f(k)$, hérite des propriétés de la +fonction de production $F(K,L)$. On a : +1. $f(0) = 0$, +2. $f'(k)\geq 0$, +3. $f''(k)\leq 0$, +4. $\lim_{k\rightarrow 0}f'(k)=\infty$ et $\lim_{k\rightarrow \infty}f'(k)=0$, +5. $F_(K,L) = f'(k)$, et +6. $F_L(K,L) = f(k)-f'(k)k$. +#+END_property + +#+BEGIN_proof +(1) Par définition de la technologie intensive, nous avons $f(0)=F(0,1)$, nous +avons donc directement par la propriété 1 $f(0)=0$. (2)-(5) Par construction de +la technologie intensive nous avons directement $f'(k)=F_K(K,L)$ ou encore +$f'(k)=F_K(k,1)$ puisque la productivité marginale est homogène de degré zéro. +On déduit directment la positivité de $f'(k)$ et sa décroissance, c'est-à-dire +$f''(k)\leq 0$. On déduit tout aussi directement les conditions d'Inada sur $f$ +à partir des conditions d'Inada sur $F$ (pour la productivité marginale du +capital). (6) On utilise à nouveau le théorème 1 selon lequel : + +\[ +Y = F_K(K,L)K + F_L(K,L)L +\] + +en divisant les deux membres par $L$ : + +\[ +y = F_K(K,L)k + F_L(K,L) +\] + +ou encore : + +\[ +y = F_K(k,1)k + F_L(K,L) +\] + +puisque la productivité marginale du capital ne dépend que de $k$ (propriété 3), et donc : + +\[ +f(k) = f'(k)k + F_L(K,L) +\] + +\[ + F_L(K,L) = f(k) -f'(k)k +\] +#+END_proof + +Avant de passer aux sections suivantes où nous décrirons les comportements des +ménages et des firmes, puis l'équilibre dans le modèle de Solow, nous discutons +deux quantités qui permettront de caractériser la technologie de production : +l'élasticité de la production par rapport au capital, que nous avons déjà +rencontré, et l'élasticité de substitution entre les facteurs. + +L'élasticité de la production par rapport au capital est définie comme le +rapport de la productivité marginale du capital à la productivité moyenne du +capital. Nous savons que la productivité marginale ne dépend que du stock de +capital par tête (propriété 3). La productivité moyenne du capital ne dépend +aussi que du stock de capital par tête, en effet puisque la fonction $F$ est +homogène de degré un nous avons $\frac{Y}{K} = F(1,k^{-1})$. Ainsi, l'élasticité +de la production par rapport au capital physique est une fonction du stock de +capital par tête. Par analogie avec la notation habituelle dans le cas de la +fonction de production Cobb-Douglas, on notera $\alpha(k)$ cette élasticité et +on a : + +\[ +\alpha(k) =  \frac{f'(k)k}{f(k)} +\] + +L'élasticité de substitution entre les facteurs caractérise la courbure de la +fonction de production. Il s'agit, le long d'un isoquant, du rapport du taux de +croissance du ratio travail/capital et du taux de croissance du ratio des +productivités marginales (c'est-à-dire du taux marginal de substitution). +Puisque les productivités marginales ne dépendent que de $k$, cette élasticité +dépend exclusivement de $k$. On notera : + +\[ +\sigma(k) = \frac{\frac{\mathrm d \frac{L}{K}}{\frac{L}{K}}}{\frac{\mathrm d\frac{F_K}{F_L}}{\frac{F_K}{F_L}}} +\] + +en omettant, afin d'alléger les notations, la dépendance à $K$ et $L$ des +productivités marginales (dérivées partielles) $F_K$ et $F_L$. On cherche +maintenant à obtenir une expression plus explicite et opérationnelle de cette +élasticité. À cette fin, nous allons exprimer $\mathrm d \frac{F_K}{F_L}$ en +fonction des dérivées partielles (d'ordre 1 et 2) de la fonction $F$. En +considérant la différentielle totale de $\frac{F_K}{F_L}$, il vient : + +\[ +\mathrm d\frac{F_K}{F_L} = \frac{\partial \frac{F_K}{F_L}}{\partial K}\mathrm d K + \frac{\partial \frac{F_K}{F_L}}{\partial L} \mathrm d L +\] + +où, en appliquant les règles de dérivation bien connues, on a : + +\[ +\frac{\partial \frac{F_K}{F_L}}{\partial K} = \frac{F_{KK}F_L-F_{KL}F_K}{F_L^2} +\] + +et + +\[ +\frac{\partial \frac{F_K}{F_L}}{\partial L} = \frac{F_{KL}F_L-F_{LL}F_K}{F_L^2} +\] + +Puisque le long d'un isoquant nous avons $\frac{\mathrm d +L}{\mathrm d K} = -\frac{F_K}{F_L}$, nous pouvons éliminer $\mathrm d K$ dans la +différentielle totale. Nous avons donc : + +\begin{equation*} +\begin{split} +\mathrm d\frac{F_K}{F_L} &= +\left(\frac{\partial \frac{F_K}{F_L}}{\partial L} - \frac{\partial \frac{F_K}{F_L}}{\partial K}\frac{F_L}{F_K} \right)\mathrm dL \\ +&= \left(\frac{F_{KL}F_L-F_{LL}F_K}{F_L^2}F_K - \frac{F_{KK}F_L-F_{KL}F_K}{F_L^2} F_L \right)\frac{\mathrm dL}{F_K} \\ +&= \frac{F_{KL}F_LF_K-F_{LL}F_K^2-F_{KK}F_L^2+F_{KL}F_KF_L}{F_L^2}\frac{\mathrm dL}{F_K}\\ +&= \frac{2F_{KL}F_KF_L - F_{LL}F_K^2 - F_{KK}F_L^2}{F_L^2}\frac{\mathrm dL}{F_K} +\end{split} +\end{equation*} + +Par ailleurs, la différentielle totale de $\frac{K}{L}$ est : + +\[ +\mathrm d \frac{L}{K} = \frac{K\mathrm d L - L\mathrm d K}{K^2} +\] + +en exprimant $\mathrm d K$ en fonction de $\mathrm d L$ (et des dérivées partielles) : + +\[ +\mathrm d \frac{L}{K} = \frac{K F_K + L F_L}{K^2}\frac{\mathrm d L}{F_K} +\] + +En substituant dans la définition de l'élasticité, il vient : + +\begin{equation*} +\begin{split} +\sigma(k) &= \frac{K F_K + L F_L}{F_K K^2}\frac{F_L^2 F_K}{2F_{KL}F_KF_L - F_{LL}F_K^2 - F_{KK}F_L^2}\frac{K}{L}\frac{F_K}{F_L}\\ +&= \frac{K F_K + L F_L}{KL}\frac{F_L F_K}{2F_{KL}F_KF_L - F_{LL}F_K^2 - F_{KK}F_L^2} +\end{split} +\end{equation*} + +Puisque les productivités marginales sont positives, le signe de l'élasticité +est donné par le signe de $2F_{KL}F_KF_L - F_{LL}F_K^2 - F_{KK}F_L^2$. Comme les +dérivées secondes $F_{LL}$ et $F_{KK}$ sont négatives et la dérivée seconde +croisée est positive (voir la preuve de la propriété 2), on conclut que +l'élasticité de substitution entre capital et travail doit être positive. On +peut simplifier l'expression de l'élasticité en notant que par le théorème +d'Euler nous avons $KF_K+LF_L=Y$ et aussi : + +\begin{equation*} +\begin{split} +\sigma(k) &= \frac{Y}{KL}\frac{F_L F_K}{2F_{KL}F_KF_L + F_{KL}\frac{K}{L}F_K^2 + F_{KL}\frac{L}{K}F_L^2}\\ +&= \frac{Y F_K F_L}{F_{KL} \left(2KLF_KF_L + K^2F_K^2 + L^2F_L^2\right)}\\ +&= \frac{Y F_K F_L}{F_{KL} \left(KF_K + LF_L\right)^2}\\ +&= \frac{Y F_K F_L}{F_{KL} Y^2} +\end{split} +\end{equation*} + +Nous avons donc : + +\[ +\sigma(k) = \frac{F_K F_L}{Y F_{KL}} +\] + +que nous pouvons finalement exprimer en fonction de la technologie intensive (voir la propriété 8) + +\[ +\sigma(k) = -\frac{f'(k)\left(f(k)-f'(k)k\right)}{k f(k) f''(k)} +\] + +en notant que $\frac{\partial^2 F}{\partial K^2} = \frac{\partial f'\left(\frac{K}{L}\right)}{\partial K} = \frac{1}{L}f''(k)$. Clairement, les deux élasticités sont liées, on peut écrire de façon équivalente : + +\[ +\sigma(k) = -\frac{f'(k)(1-\alpha(k))}{k f''(k)} +\] + +* Comportement des ménages + +L'économie est peuplée d'un continuum de ménages $m\in[0,1]$. On supposera qu'un +ménage $m$ a une durée de vie infinie, on parle parfois de dynastie plutôt que +de ménage. À l'instant $t$ la taille du ménage, c'est-à-dire le nombre de têtes +dans le ménage, est notée $L(t,m)>0$. On suppose que la taille du ménage $m$ +croît au taux constant $n>0$. Si la taille initiale du ménage $m$ est $L(0,m) = L_0(m)$, +à l'instant $t$ nous avons donc $L(t,m) = e^{nt} L_0(m)$. On notera $L(t) = +\int_0^1 L(t,m)\mathrm d m = e^{nt}\int_0^1 L_0(m)\mathrm d m \equiv e^{nt}L_0$ la +population totale à l'instant $t$ et nous normaliserons la population initiale +en posant $L_0=1$. Le paramètre $n$ s'interprète comme le taux de croissance +démographique dans notre économie. À tout instant $t$, chaque ménage offre +inélastiquement une unité de travail par tête sur un marché parfaitement +concurrentiel et perçoit en contrepartie un salaire $w(t)$ (par unité de +travail). + +Par ailleurs, chaque ménage détient initialement du capital physique en quantité +$K_0(m)$. Le stock de capital physique se déprécie au taux constant $\delta>0$ +et obéit à la loi d'évolution suivante : + +\[ +\dot K(t,m) = I(t,m) - \delta K(t,m) +\] + +où $I(t,m)$ est l'investissement en capital physique à l'instant $t$. Cette +équation différentielle nous dit simplement que le stock de capital physique +augmente, $\dot K(t,m)>0$, si et seulement si l'investissement est supérieur à +la dépréciation. En termes intensif, la dynamique du stock de capital physique +par tête est donnée par : + +\[ +\dot k(t,m) = i(t,m) - (n+\delta) k(t,m) +\] + +Le ménage loue les services de ce capital aux firmes qui l'utiliseront pour +produire le bien homogène (via la technologie de production décrite plus haut, +voir la section suivante). En contrepartie de la location du capital le ménage +$m$ obtient $r(t)$ par unité de capital. + +Dans notre économie, il n'y a qu'un seul bien, le résultat la technologie de +production décrite dans la première section, celui-ci peut être dirigé vers +l'accumulation de capital (l'investissement) ou consommé. Les prix $w(t)$, pour +la location de la force de travail, et $r(t)$, pour la location du capital, sont +réels, c'est-à-dire exprimés en termes d'unité de bien homogène. Par exemple, si +le ménage offre $L(t,m)$ unités de travail alors il perçoit $L(t,m)w(t)$ unités +de bien homogène sous forme de salaire. + +Enfin, nous supposons que les ménages détiennent les firmes qui produisent le +bien homogène. Nous pourrions décrire comment les titres de propriété sont +distribués entre les ménages et donc comment les profits sont répartis. Nous +pourrions aussi considérer un marché où les ménages échangeraient ces titres de +propriétés sur les firmes. Mais les profits sont nuls à chaque instant dans ce +modèle où les firmes agissent dans un environnement parfaitement concurrentiel +et où la technologie de production est à rendements d'échelle constant, voir la +propriété 6 dans la section précédente, cette répartition est donc sans +conséquences. Nous ferons abstraction des profits dans la suite. + +Un ménage $m\in[0,1]$ utilise son revenu pour consommer ou investir. Sa +contrainte budgétaire saturée[fn:2: Dans ce modèle, le comportement du ménage est exogène. ] s'écrit : + +\[ +C(t,m) + I(t,m) = w(t)L(t,m) + r(t)K(t,m) +\] + +ou en termes intensif : + +\[ +c(t,m) + i(t,m) = w(t) + r(t)k(t,m) +\]